la pause gourmande
Vous ai-je déjà parlé du champignon meringué? Le créateur sublime de ce dessert sensationnel n'est autre qu'un cuistot anonyme du restaurant d'un hôtel de voyageurs hypothétiques au fin fond de la pampa là où il est fort improbable que vous y mettiez les pieds un jour.
D'abord c'est vrai que faut se farcir la décoration, avec les vieux rideaux roses moches assortis aux nappes à grosses fleurs décolorées sans âge, qui me donne à chaque fois cette impression irrépressible qu'il pleut en crachin mouillé dehors et qu'on est quelque chose comme à peu près la veille de la Toussaint. Ce n'est pas faux non plus que le maître d'hôtel dégingandé avec son crâne dégarni excepté quelques mèches éparses, serait l'acteur idéal pour un film adapté de Stephen King et que les gens qui y mangent ont tous des tronches aussi "shiningienne" pour faire des figurants excellents. Et ça fait des grands slups, et ça fait des grands slups en bouffant la soupe froide sous la sale gueule de l'apôtre dans son cadre en bois... qu'on aurait envie de chanter avec le grand Jacques.
Mais voilà, j'y vais pour le champignon magik... il faut savoir que tout récemment, il a été intégré à ma joie non dissimulée, à la formule plat-dessert. Alors peu importe le plat, peu importe l'ambiance, le voile se forme et autour de moi je suis dans une bulle. Une bulle de désir gourmandesquement exultatif: je salive déjà, la papille en attente dès que mon regard retrouve l'intitulé sur la carte alors que je n'ai pas encore choisi le plat. La belle petite serveuse pourrait jouer des claquettes en haut de forme et cravate, je ne pourrais détourner mon esprit de ce césame, résolumment accroché à cet instant de plaisir quand arrive enfin, sur son assiette -et peu importe l'assiette- l'ontueux coulis de chocolat noir répandu généreusement sur le chapeau de meringue supporté par la boule de glace à la vanille qui fond déjà.
Ahhh, le champignon magik... ou le meilleur dessert pour emballer l'Elfe... Bon après évidemment... si la serveuse insiste...