synchronicités

24 comme moi, dans une ancienne école où il y'a aussi un ancien studio de cinéma avec, parait-il, une acoustique qu'on ne retrouve pas d'ici Londres. Décor héteroclyte avec des photos, des tentures, des boules japonaises de toutes les tailles accrochées au haut plafond de poutres. L'endroit ne vit plus vraiment, on sent qu'il a beaucoup vécu et que rares sont les visiteurs aujourd'hui. Il en ressort une certaine tristesse, légère, mais là tout de même, flottant dans l'air. Le grand marronier au dehors est serein, il accueille dans le soleil qui perce entre les voluptes du brouillard matinal, il a quelque chose de féerique, mais surtout une aura bienveillante.

On est 24 plus une qui se dit scientifique. Ses propos sont mordants, j'étais comme ça à une époque. Je me rend compte que j'ai changé. Je l'écoute, plus je l'écoute et moins je l'entend. Tellement campée sur ses positions carthésiennes, elle ne comprend pas que le monsieur en face d'elle parle de la même chose avec juste une approche différente, d'observations, sans a priori. Elle ne saisit pas que c'est elle qui est enfermée dans des croyances, des théorèmes... Qu'elle est en guerre contre elle-même en quelque sorte. Parce que les théorèmes n'existent que pour être remis en question, comme les expériences sont faites pour ouvrir des portes vers encore plus d'inconnu. Son énergie à vouloir tout prouver m'agresse. Je ne comprend pas bien pourquoi car je suis complètement en dehors du débat. Je pense au marronier, le marronier me fait penser à un autre marronier et je me retrouve chez mon grand père. Je me dis "stop", je me lève et improvise une pause aux toilettes. Je reviens, l'atmosphère s'est calmée. La formation continue et prend fin peu de temps après.

Le déjeuner est chouette, j'ai la chance d'être avec un grand et chouette ingénieur qui me met les étoiles dans les yeux. Quand il m'a vue à son arrivée, il m'a soulevé dans ses bras, c'était émouvant! C'était comme retrouver une partie de sa famille, une émotion qui gonfle le coeur et donne presque les larmes aux yeux. Et puis l'après midi on a fait de la mise en pratique de la formation sur le terrain. Tout en échangeant sur nos ressentis, nos mesures etc, il y avait toujours une anecdote à partager, échanger. Au dessus de nos têtes les hélicoptères de la gendarmerie et autour des camions de gendarmes, ils cherchaient une petite fille de 4 ans perdue dans la fôret. Mon esprit était beaucoup avec cette petite fille. Tout à l'heure j'ai cherché l'info et su qu'ils l'avaient retrouvée. C'est un grand soulagement.

Parfois, en fait souvent ces temps-ci, je me rend compte que je suis cette petite fille un peu perdue dans la fôret. Une fôret de possibilités. Je voudrais choisir les bonnes voies, pour donner le meilleur, mais je ne suis pas toujours sûre de moi, de mes résultats. Pourtant jusqu'ici j'ai peu échoué, et chacun de mes échecs m'a permis de réussir d'autres choses. Aujourd'hui, comme à la dernière réunion, avec ces gens qui ont choisi le même chemin que moi, je me suis sentie retrouvée. Il s'est passé quelque chose qui me laisse complètement à plat ce soir, avec un besoin de m'enrouler dans une couverte douce et mon chat ronronnant. J'ai senti quand c'est arrivé, une énergie tellement pleine d'émotions, un courant chaud de haut en bas, je sais qui me l'a apporté, quelqu'un que je ne reverrai peut être jamais. Mais il était là aujourd'hui, et exactement au bon moment, il a eu ce geste sur le côté. Je suis sûre que c'est à ce moment pile que la petite fille a été retrouvée.