De la visibilité

Au fond, on sait que parader sous toutes les couleurs c'est revendiquer qu'on existe. On voudrait montrer qu'on est comme tout le monde, mais en fait on est obligé d'en faire trop pour se faire remarquer et du coup t'as le mec hilare en voix off derrière moi qui avait les pires commentaires, sûr d'être du bon côté: "ah ils sont marrants!" "c'est mieux qu'un carnaval" "c'est rigolo ce drapeau" "mouarf mouarf mouarf! C'est un homme ou une femme?"

De la lourdinguerie bien grasse pour ne surtout pas se remettre en question. Envie de le transpercer avec un gros drapeau, là en plein milieu des assos de lutte contre l'homophobie, en plein milieu de ceux qui comme moi affrontent ça tous les jours. J'ai senti l'agacement de ma voisine entendant aussi la voix off derrière nous qui crissait sur la magie du moment. Bizarrement, elle qui se classe dans les gay-retraités, elle n'était pas si à l'aise finalement pour jouer le jeu de la visibilité. En fin de compte elle m'a regardé et on avait la même colère dans les yeux, elle a brandi un drapeau rainbow et sa compagne a sorti son sifflet de la gay pride de 1987 à Paris, et c'était reparti comme en 40! Dans un parfait simultané on t'emmerde connard, c'est toi aujourd'hui qui est en minorité!

'Tain, faut vraiment que ça continue encore et encore ce fest ty gay, faut plus que ça s'arrête, que tu viennes t'entend? C'est pas comme à Paris où tu sens une bonne énorme énergie circuler partout et que c'est bon; c'est une bonne énergie oui, mais qui est encore au stade d'essayer de percer, c'est un peu plus lourd à trainer, c'est p't'être pour ça que faut au moins des gros tracteurs, mais surtout, surtout, faut encore plein de bonnes énergies pour venir nous soutenir et grossir les rangs... Y'a pas de miracle, l'union fait la force! Qu'on la libère enfin cette putain d'énergie, cette putain de liberté!