Chez Mado
Chez Mado, j'arrive et elle me parle déjà de loin, elle me dit que je viens avec l'orage. Je lui répond d'aussi loin que "oui, c'est ce qu'ils ont dit à la météo". Mado sourit, me sourit, elle sourit au monde. Je m'installe spontanément à sa table. Je n'avais jamais croisé Mado avant aujourd'hui et pourtant je la reconnais autant qu'elle semble me connaitre également depuis toujours. Mado me demande ce que je prend pour l'accompagner au rosé, je prend une bière fraîche. Nous parlons de tout de rien, comme si nous nous étions quitté la veille, de la saison qui a commencé timidement, de l'été qui semble cette fois revenir après 2 années difficiles. Mado se lève alors, et m'apporte le journal. J'avais justement un article à lire... Mado sait tout.
Mes sardines grillées arrivent et entre les lignes de l'article en question mon regard se perd, au delà, sur les voiliers qui attendent juste à côté de repartir. Le premier nom de bateau que je distingue s'appelle justement "Aventure". Au loin un homme aux cheveux blancs et longs approche, le pull rayé, le teint buriné, la démarche libre de ceux qui n'ont pas d'attache et qui se sentent bien n'importe où dans le monde. Je le trouve beau. Il a un accent que je n'arrive pas à distinguer, peut-être irlandais si je devais parier. A côté deux anglais amoureux jusqu'au fond des yeux respirent eux aussi la douceur suspendue de cet instant au zénith, ils se sourient, je souris aussi. Un deuxième homme arrive et s'installe spontanément à ma table, puis une femme (lesbienne) et une ado. C'est drôle parce que personne ne parle mais tout le monde semble flotter dans un bien-être palpable, on se regarde un peu étonné de partager ça et puis deux gars des chantiers navals arrivent en parlant fort, chacun va payer, on se suit encore un peu, comme à regret, sur les quais, et la vie reprend.